Court métrage d’animation réalisé avec le célèbre écran d’épingles Alexeïeff-Parker, Le tableau revisite le destin de la reine Marie-Anne d’Autriche, immortalisée en 1652 par Vélasquez. Mariée à 14 ans à son oncle Philippe IV d’Espagne, de 30 ans son aîné, la jeune femme connaît un sombre destin : ses cinq enfants, fruits de maintes générations d’unions consanguines, meurent prématurément ou sont inaptes à régner, mettant fin à la puissante dynastie des Habsbourg d’Espagne.
La cinéaste Michèle Lemieux réinvente la toile de Vélasquez avec un savoir-faire d’une précision stupéfiante. L’artiste se laisse guider tant par sa méditation sur la violence de l’inceste institutionnalisé que par des rêveries qui semblent naître de l’instrument lui-même. Les jeux d’ombre de centaines de milliers d’épingles, combinés à des effets croisés de lumière et de couleur, animent les regards, déforment les visages et dissolvent la matière même de l’œuvre. À la fois charnel et intangible, troublant et tendre, ce film-poème réfléchit à sa propre (im)matérialité et au pouvoir de l’art de capter les âmes — ou de les consoler.
Illustratrice, cinéaste d’animation et enseignante pendant plus de 30 ans à l’École de design de l’UQAM, Michèle Lemieux a publié depuis la fin des années 1970 une quinzaine d’ouvrages illustrés pour la jeunesse, dont Nuit d’orage (1997), adapté au cinéma en 2003 à l’ONF. En 2006, lors d’un atelier donné par Jacques Drouin, elle fait l’expérience de l’écran d’épingles Alexeïeff-Parker, dont elle deviendra l’héritière artistique. Elle signe deux courts métrages à l’aide de cette technique, Le grand ailleurs et le petit ici (2012), plusieurs fois primé, et son tout récent Le tableau (2024).
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