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Québec Cinéma

La femme derrière le mythe

Vendredi, 21 septembre 2018

Cette semaine, nous avons rencontré Pascale Ferland, auteure et réalisatrice du documentaire Pauline Julien: intime et politique, une production de l'ONF qui sort en salle à Montréal, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières à partir d’aujourd’hui.

En quoi Pauline Julien vous fascine-t-elle?

En fait, je ne la connaissais pas tant que ça avant de faire le film. Il y avait une aura autour de cette personne, oui. Mais même si je ne la connaissais pas, je sentais son importance ne serait-ce que par l’intérêt que nos parents lui portait. En 1999, alors que je faisais mes recherches pour faire un film sur elle, j’ai rencontré sa fille, Pascale, et je lui parle de mon projet. Mais, un an après le décès, la douleur était encore trop vive et j'ai mis cette idée de côté. En 2014, j’ai eu l’envie de porter à nouveau ce projet, d’abord pour donner un sens à ma vie mais aussi à celle des autres. Je suis retombé dans mes carnets de notes, et au fur et à mesure de mes recherches, ce personnage a pris de plus en plus d’ampleur. Son universalité m’a frappée. Toutes les causes qu’elle défendaient sont encore d’actualité.

Justement, parlons-en de ses causes…

Pauline se défendait toujours de faire de la politique partisane. Elle se considérait beaucoup plus comme une citoyenne engagée. C’est peut-être ça le problème d’aujourd’hui, l’implication citoyenne défaillante. Pauline est un modèle de passion qui s’indignait devant les disparités de toutes sortes, les injustices sociales. Elle se sentait privilégiée de pouvoir faire ce métier-là, alors pour remettre à la société ce qu’elle lui devait, elle s’impliquait dans des combats importants: le féminisme bien sûr, mais aussi la langue française et la nation québécoise.

J’ai retrouvé dans des archives les traces de cet engagement de tous les instants, au quotidien. Elle donnait des concerts dans des prisons, elle a milité pour la cause des travailleurs, l’égalité homme-femme... et elle ne sortait jamais de chez elle sans avoir quelques sous à donner au nécessiteux! C’est une femme qui était vraiment portée par un idéal. Avec tout ce qui se passe autour de nous depuis quelques années, je me suis dit qu’il était temps de reprendre les flambeaux de ces grandes causes d’alors. J’ose espérer que les jeunes vont aller voir le film et se laisser inspirer par cette personnalité qui est encore étonnamment d’avant-garde.

En parallèle à son engagement collectif, vous mettez de l’avant une intimité que l’on connaît peut-être moins

J’ai énormément réfléchi à la forme avant de faire le film. Comme cinéaste, on est galvanisé lorsque nos films sortent, et quelles que soient les réactions, on a toujours un rapport très émotif à notre travail. C’est tellement intense de faire un film... Lorsque je consultais les journaux intimes et les correspondances que Pascale me prêtait, je m’identifiais avec le personnage, avec ses doutes et ses craintes. Je voulais construire un portrait juste, avec toute la complexité d’être humain, pour que le commun des mortels puisse s’identifier à lui plus facilement.

« Pauline Julien c’est un grand mythe québécois, mais tous les mythes sont aussi des humains, avec leurs failles, leur fragilité... »

Et concernant votre travail de recherche d’archives?

Au Québec et au Canada, je me suis adressé aux télédiffuseurs en premier qui ont fait les recherches de leur côté. Ils nous ont soumis des listes de documents, et on a sélectionné dedans. En faisaint bien attention car cela coûte cher. En Europe, c’est mieux structuré puisque les archives sont en ligne. Et comme Pauline a été lancée en France, j’ai pu retracer tous les endroits qu’elle a visités durant ses tournées. En plus, elle était très filmée, donc j’ai mis la main sur de très belles archives, parfois totalement inédites, en France, en Belgique, en Suisse, au Luxembourg. Ça m’a permis de reconstruire son parcours, et ça m’a aussi permis de me passer des entrevues de gens qui l’auraient connu. J’ai balayé ça du revers de la main en constatant qu’elle était capable de se défendre elle-même, soit au travers de ses spectacles, soit au travers de ses lettres intimes. j’avais la possibilité de créer un personnage comme dans une fiction.

Par contre, je n’avais que très peu d’archives au début de sa carrière, et presque pas à la fin de sa vie. Donc j’ai choisi de faire intervenir Alan Glass. C’est quelqu’un que l’on connaît peu, mais qui a comme Pauline décidé de fuir le régime de Duplessis très conservateur qui ne laissait pas de place aux artistes et aux intellectuels, mais surtout aux homosexuels, ce qui était son cas. Donc il a fui le Québec pour aller s’exiler en France, comme Pauline, qui ne trouvait pas d’école de théâtre pour se faire valoir. Ils se sont rencontrés là-bas en 1955. ils ont développé une amitié très solide qui a continué jusqu’à la fin de sa vie en 1998. Allan était donc en mesure de me raconter les débuts, puisqu’il en était témoin, et ses derniers moments.

Je suppose que la sélection des archives a du être un processus déchirant

Vraiment… c’est un deuil! Mais c’est aussi un choix. Car en mettre trop, c’est risqué, car ça peut créer des ventres mous, des longueurs. Même si on juge que tout est essentiel, que ça a une valeur historique. Mais oui, cela a été un deuil incroyable. De toute façon le film les rejetait car on s’écartait trop du sujet, je voulais rester au plus près de mon personnage.

Entrevue réalisée par Charles-Henri Ramond, le 17 septembre 2018, à Montréal

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